« Paris, la nuit » (photos)
La nuit, Thibaut Lafaye part en quête de lumière dans un Paris fantasmé, un Paris rien qu’à soi, révélé par le halo d’un réverbère, retrouvé au détour d’une rue de faubourg, sublimé par le passage d’une silhouette furtive.
Il nous conduit en des lieux familiers mais jamais aperçus, joue du cadre et de la lumière pour nous faire perdre tout repère temporel. Sommes-nous aujourd’hui ? Hier?
Dans la vie ou au cinéma ?
Thibaut Lafaye saisit des moments intimes de la ville vidée de son agitation, rendue aux noctambules qui profitent ainsi d’un Paris rêvé.
La particularité de sa manière est de laisser une grande place au lecteur, de l’inviter à partager le lieu, le moment, l’ambiance.
Thibaut Lafaye vit et travaille à Paris où il est né en 1973. C’est son père qui lui apprend à l’âge de vingt ans la photographie, de la prise de vue au tirage.
Dès ses débuts, il photographie la rue, la nuit ; il vend ses tirages noir et blanc dans les brocantes.
Il s’interrompt quelques années. En 2010, Thibaut Lafaye reprend son reflex, son trépied, et part en maraude dans Paris et ses alentours, toujours la nuit.
« J’avais quelque chose à dire de mon apprentissage et de ma formation avec mon père. »
Il y a dans les photographies de Thibaut Lafaye une sorte de narration latente, présence discrète à laquelle l’imaginaire du lecteur donne vie, comme la lecture d’une nouvelle.
« La nuit, c’est un univers à part, une ambiance particulière ; c’est l’opposé du jour mais comme un négatif. Dans la nuit, on est sans repère géographique ou temporel, on est dans le noir et la lumière des réverbères nous révèle, nous donne une identité. »
« Paris, la nuit » est son premier livre, Nouvelles Editions Loubatières
« Le chat de la rue des glycines »
Lire la Suite…
Larme d’azur (haïku)
Larme d’azur (haïku)
larme d’azur
gravée sur la frange
de cette feuille,
amoureusement
lobée
au creux de ma main,
pour me dire
que rien n’est encore
outrepassé
non rien, pas même cette larme d’azur
que ne peut flétrir
le douloureux émail
de l’horizon
A lire en écoutant :
London Grammar, « Nightcall »
Sur Spotify
Lebanese song
Je ne sais pas pourquoi, mais, en ces temps de violence et d’incertitude, des souvenirs me taraudent. Souvenirs des années 70-80, des années de guerre au Liban. Nous connaissions, ma compagne et moi, à l’époque des amis, Brigitte, professeur d’allemand, elle-même d’origine allemande, collègue de travail, et son compagnon, Ahmad, médecin à l’Hôpital Français de Bruxelles, d’origine libanaise. Nous nous rencontrions souvent chez une amie commune, à Bruxelles. Je ne sais plus si c’est avant ou après les massacres de Sabra et Chatila[i], Ahmad a voulu rejoindre les siens, à Beyrouth, pour soigner les blessés dans l’hôpital que dirigeait sa famille. Brigitte l’a suivi. Nous n’eûmes plus guère de nouvelles, jusqu’au jour où nous apprîmes que, poussée à bout par les interminables combats et les bombardements incessants, elle avait décidé de réintégrer la Belgique.
Puis la nouvelle est tombée : Brigitte s’était jetée sous un train, non loin de Louvain-la-Neuve…
Je repense à toi, Brigitte, et te dédie ces quelques phrases.
Walid Raad, oeuvre exposée au Carré d’Art, à Nîmes
Lebanese song
Bruxelles Beyrouth
Beyrouth Bruxelles
les années de sang
les années snipers
l’insouciance ici
la guerre fratricide là-bas
aux côtés d’Ahmad
avant…
avant ce jour où tu as pris la fuite
Brigitte
dans l’incolore de la vie
sous un train d’acier implacable
au large de Louvain-la-Neuve
Bruxelles Beyrouth
Beyrouth Bruxelles
Il n’y avait plus de fallafel
juste les impacts AK47
et les bombes pleuvant sur Beyrouth la douce
et des vies à l’emporte-pièce
des vies que tentait de sauver Ahmad
médecin du pire
ton compagnon
des vies de là-bas, Liban, Palestine, chrétiens, musulmans, qu’importe
qu’est-il devenu
a-t-il survécu
sans toi, Brigitte, revenue parmi les vivants pour y mourir
pleurs griffonnés
blessures taguées
sur les peaux de la ville
ce gâchis universel
Beirouth Bruxelles
Bruxelles Beyrouth
Nous prendrons le thé de l’indicible
[i] http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Sabra_et_Chatila, sur Wikipedia.