Archive | janvier 2016

Projet écriture 1 (titre provisoire)

2015-12-27 16.22.28

Bruxelles, A la mort subite, janvier 2016

Rues N&B 3

Photo anonyme, en errance sur le Net

Prologue

 

Je sais que vous tenez maintenant mon manuscrit en mains. Devant vos yeux de lecteur attitré. Je ne citerai pas encore la maison d’édition, par précaution. Je dois d’abord vous mettre en demeure. En demeure de me lire, c’est votre job.

Je ne sais pas si vous apprécierez ce que j’écris, mais là n’est pas la question.

Vous ne me survivrez pas si vous ne vous mettez pas à la tâche.

Alors, pourquoi pas ? Je commence par le récit de notre rencontre. Au bistrot  A la Mort subite, dans le centre de Bruxelles. Un après-midi de décembre. Je ne me souviens pas de l’année exacte, mais c’était avant…

L’après-midi, en, semaine, en-dehors des vacances, La Mort Subite, c’est calme, quelques clients attablés de-ci delà dans la longue enfilade du café, pas de musique, l’impression d’avoir pieds dans une autre époque, compassée, intemporelle. Des murmures filtrés se  diluent dans un silence que semblent nourrir les deux garçons accoudés au comptoir. Les murs affichent toujours d’antiques photos, délavées, qui témoignent d’un passé plutôt fantomatique.

Dehors, la rue, pourtant proche du centre, n’est guère animée. Pas de neige, mais un fluide glacial, bruineux, qui s’insinue dans les moindres recoins et vous fait croire que le ciel gris apporte la rédemption… J’aime ce Bruxelles délétère, maître du jeu, cette ville qui, depuis longtemps, a inhibé mon âme et mon corps.

Je me suis installé près de la fenêtre, à droite en entrant. Une table où, jadis, … mais c’est une autre histoire. Maintenant, je sais que vous n’allez pas tarder. Vous faites partie de ces gens qui respectent au dixième de seconde leurs rendez-vous, parce que vous aimez être irréprochable. Je sais aussi que ce n’est pas par conviction que vous allez me rencontrer – des manuscrits, vous en lisez des mille et des cents chaque semaine -, mais je crois par un effet d’inéluctabilité !

Mon chapeau, un Wesley de chez Brixton, trône à quelques centimètres de la chemise qui enserre mon manuscrit, et déjà, une gueuze m’a été apportée par l’un des garçons, en gilet noir et tablier blanc. Le style, car il faut du style. Surtout avec moi.

A l’heure dite, vous entrez. Vous ne correspondez pas tout à fait à ce que j’avais espéré, ou

craint.

Charles le Brusseler 1

Photo Charles le Brusseler

1.

Vous êtes entré dans la salle. Impossible de ne pas vous reconnaître. On reconnaît toujours les personnes insignifiantes dans la réalité, comme  les personnages secondaires  dans d’autres contextes … Plutôt mince, la quarantaine, le crâne en partie dégarni, un visage passe-partout, un costume noir, séant mais anonyme, urbain, définissant une personnalité diaphane. Pour donner le change, tes chaussures ! Elles, elles dénotent, attirent un instant le regard. Sans doute des Magnanni Derbies ? Couleur cognac, et je crois de pointure… exagérée.

Je n’oublie pas le petit attaché-case plus ou moins de la même teinte, religieusement coincé sous le bras droit. Vous êtes celui à qui j’ai donné rendez-vous dans ce vieux café de la capitale, celui à qui peut-être je remettrai dans quelques instants un manuscrit, à même posé sur la table à côté de mon chapeau. Peut-être.

Je pensais à ce moment au premier chapitre du Pendu de Saint-Pholien, quand le commissaire Maigret, lui aussi, se retrouve dans ce bistrot quasi désert. « Et il avait pénétré, en simple curieux, dans un petit café de la Montagne aux Herbes Potagères. » Je ne suis pas un simple curieux, j’aime les lieux qui laissent des marques, se perpétuent. Je l’ai écrit et vous allez peut-être sous peu découvrir mes véritables intentions. Si vous m’écoutez, si vous lisez entre les lignes.

Un bref petit signe de la main et vous vous attablez en face de moi.

Des phrases de simple civilité s’échangent, je déteste reproduire ces ridicules entrées en matière. Je vais à l’essentiel. Vous commandez un café, le garçon s’exécute.

Photos ci-dessous : Farewell  (sur Google+)

Chapitre 1 essai roman

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Laurence VIELLE, poète (poétesse) national(e) de Belgique

« Etre poète, c’est une façon de se mettre en résonance  avec les vibrations du monde quelles qu’elles soient, avec les mots. Pour moi, la poésie est musicale, rythmique, orale. La poésie, c’est une force vive dont le monde a grand besoin. »

Extrait d’une interview au journal Le Soir (Belgique) de ce 14 janvier 2016.

Laurence Vielle devient notre deuxième poète national, elle succède à Charles Ducal. Etre artiste « national », chez nous en Belgique, cela a du poids!

Laurence Vielle 1Laurence Vielle

Traversée (Le Soir, Belgique, 3o janvier 2016)

MIS EN LIGNE LE 30/01/2016 À 12:44

 

 PAR JEAN-CLAUDE VANTROYEN

Voici le premier « poème national » écrit par Laurence Vielle.

Le train naar ons landje a amené

italiens polonais français grecs marocains

espagnols et ceux de l’est et ceux du sud

et ceux de l’ouest et ceux du nord

a charrié forces vives petit pays klein landje

depuis toujours pétri de tant de traversées

ah treinen treinen train des partitions de fils

où chantent les corbeaux

le train avale visages et puis les rend aux quais

d’une autre vie

ah le train le train qui déplace la mienne

d’un quai à l’autre de l’Europe

d’une langue à l’autre de la Belgique

de Bruxelles tu pars vers Liège

et puis Luik et puis Liège

de Bruxelles tu pars vers Mons

et puis Bergen et puis Mons

quand les bras de mon amour sont là pour m’accueillir

il est bon le retour et je pense à tous ceux

lâchés au quai d’ici sans bras pour les cueillir

ah treinen treinen petit train électrique

de mon père de mon frère traverse mon enfance

montagnes de carton pâte

personnages minuscules

nous sommes ces petites femmes tout petits hommes réenchantons le monde encore

aux rails de nos vies

le train file défile enfile les paysages

de nos visages qui se reflètent dans la vitre

se fondent à chaque prairie

chaque ciel qui effeuille toutes les formes des nuages s’y perdent nos visages

train des premières ou secondes classes

les vaches blanches nous regardent

ou l’animal sauvage immobile en effroi

train des courriers des marchandises

des pauvres bêtes d’abattoir

des convois noirs pas revenus

train de toutes les mémoires

ô treinen treinen

le train parfois est en retard

piétinent les passagers

quai du train qui déraille

de trein s’il part à l’heure

est sur une ligne sans obstacle

si un corps n’est pas désespéré

est sur une ligne sans obstacle

le train parfois est trash

et quand le train à grande vitesse

passe au pays d’à côté

mon âme assise reste à m’attendre

sur le quai de Bruxelles

le train parfois s’arrête à chaque gare

avant qu’elle ne s’efface

face aux guichets automatiques

salue l’homme au sifflet du départ

un bruit presqu’un klaxon

ferme les portes du wagon

et si le train ne roule plus

tout le pays est suspendu

au chant des corbeaux sur le fil

le train relie trace des lignes

cliqu’tis des tricoteuses

des baladeuses et des liseuses

train des ordis et des rêveurs

treinen des contrôleurs

train des traintrains quotidiens

emmène-moi au littoral

emmène-moi en Hautes Fagnes

ouvrons mijn vriend ouvrons le train

aux sans papiers aux sans rivages

et que le train tout comme

les veines bleues du monde

charrie ici coeurs nouveaux

pour y semer entrains de vie

train démocratique fenêtres claires

offre-nous un ticket ouvert

chaque premier dimanche du mois

pour explorer tout bled

où les rails filent encore

que notre pays devienne

labo de nos curiosités

à l’étranger si près

qui partage avec nous

nos contrées séparées

oh ooooh train trrrrein

trrrrreinen trrrrrrrrrain

trrrrransporte-moi

trrrrravaille-moi ébrrrranle-moi

entrrraîne-moi trrrrame de roulis neufs

le tissu pâle

de nos corps endormis

et tandis que j’écris

un homme face à moi

en boule sur banquette

voyageur sans ticket

dans son silence implore

l’argent pour continuer

vivant le grand voyage

version courte

Le train naar ons landje a amené

italiens polonais français

grecs marocains espagnols

et ceux de l’est et ceux du sud

et ceux de l’ouest et ceux du nord

a charrié forces vives

petit pays klein landje

depuis toujours pétri

de tant de traversées

ah treinen treinen

train des partitions de fils

où chantent les corbeaux

le train avale visages

et puis les rend aux quais

d’une autre vie

ah le train le train

qui déplace la mienne

d’un quai à l’autre

de l’Europe

d’une langue à l’autre

de la Belgique

de Bruxelles tu pars vers Liège

et puis Luik et puis Liège

de Bruxelles tu pars vers Mons

et puis Bergen et puis Mons (…)

train des courriers des marchandises

des pauvres bêtes d’abattoir

des convois noirs pas revenus

train de toutes les mémoires

ô treinen treinen

le train parfois est en retard

piétinent les passagers

quai du train qui déraille (…)

et si le train ne roule plus

tout le pays est suspendu

au chant des corbeaux sur le fil

le train relie trace des lignes

cliqu’tis des tricoteuses

des baladeuses et des liseuses

train des ordis et des rêveurs

treinen des contrôleurs

train des traintrains quotidiens

emmène-moi au littoral

emmène-moi en Hautes Fagnes

ouvrons mijn vriend ouvrons le train

aux sans papiers aux sans rivages

et que le train tout comme

les veines bleues du monde

charrie ici coeurs nouveaux

pour y semer entrains de vie

train démocratique fenêtres claires

offre-nous un ticket ouvert

chaque premier dimanche du mois

pour explorer tout bled

où les rails filent encore

que notre pays devienne

labo de nos curiosités

à l’étranger si près

qui partage avec nous

nos contrées séparées

oh ooooh train trrrrein

trrrrame de roulis neufs

le tissu pâle

de nos corps endormis

 

humain 2016

boire

une gouttelette d’humain

jusqu’à la rasade

suivre

un vol dégingandé d’oiseaux

ineffables

et dans le large des océans

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

OLYMPUS DIGITAL CAMERA photo perso La Panne automne 2015

tendre des mains insolentes

pour corriger nos amours

et nous les cicatriser

aux coutures de nos LIMITES

ivres et déments

de vivre jusqu’à

vivre PLUS