Nous vivrons dans des villes nouvelles
La ville nouvelle s’ouvre à mes pas hésitants
Belles avenues lisses
Murs de marbre murs végétaux
Pas de bruit en surface
Légers trémolos sous le sol
Tout est propre
Pas encore utilisé
L’air empreint d’une douce brume
Dépose ses buées sur ma bouche
On pourrait toucher les nuages de ses doigts
Et survivre dans l’immensité
On pourrait s’élever
Au-delà des ultimes étages
Enlacer de grandes arabesques
Emplir son âme
D’une foi astrale

La ville nouvelle a des allures de cathédrale
De sainte païenne
Son missel colonise
Les citoyens aseptisés
Agenouillés dans ses avenues
Boitillant sur ses trottoirs
Ou buvant l’infini de leurs yeux
Emerveillés
La ville s’impatiente
Se synchronise se métallise
S’enorgueillit
Avec ses greffons de plantes
Pile face sur ses parois

Ses longues et langoureuses inflorescences
Qui détrônent l’humain
Ecrèment la sève
Guident des mains hésitantes
Inoculent l’onde du futur

Les pylônes de l’absolu
Pointent des nuages
Muets et tristes
Allumés la nuit comme des cierges
Phares étouffés
De nos titubements
La ville nouvelle enfante dans la douleur
Crispée sur son ventre de démiurge
Déjà maternelle avant l’aube
Nourrissant ses ouailles
Au doux lait de ses entrailles
Elle accumule tant d’amour
De pierres chaudes de macadam pétrifié
De grandes bavures de verdure
Acculée à se maudire
La ville nouvelle
Enfouit ses rêves
Et mes pas hésitants s’engluent
Dans ses veines secrètes
GILRAY, novembre 2020